
(R)évolutions numériques ? L’édition 2020 du Festival de géopolitique met en lumière les mutations et les impacts produits par l’émergence des technologies de l’information et de la communication dans nos sociétés. Focus sur le groupe Mazars, dont la stratégie numérique et d’innovation réinvente les métiers de l’audit financier.
Mazars compte aujourd’hui dans la cour des grands au côté des Big Four. En trois ans, le groupe français est passé de 25 000 à 40 000 collaborateurs, renforçant sa présence en Europe, en Chine et aux Etats-Unis. A son actif, une culture du partage technologique, qui vise l’industrialisation de nouveaux processus métiers dans plus de 90 pays.
Entretien avec Claire Cizaire, directrice de l’innovation et des technologies du groupe Mazars.
En trois ans, Mazars a créé un réseau de Labs, en France et à l’international – des espaces physiques dédiés à l’innovation et aux nouvelles technologies. Quels sont les ingrédients de ce succès ?
Avec le recul, je relève quelques facteurs clés, qui ont permis de passer à cette échelle : la créativité, mais surtout une discipline au long cours et une réflexion globale, dès l’origine du projet. Et, disons-le, le courage de se porter partie prenante dans un environnement professionnel très régulé et très compétitif pour l’ensemble des collaborateurs – commissaires aux comptes, experts comptables et consultants.
Votre recrutement, voici trois ans, est une création de poste. Quelle est votre mission au sein du groupe ?
Le numérique et l’innovation sont l’une des priorités du groupe Mazars. L’accent est mis sur les nouvelles technologies et l’évolution stratégique des métiers. Voici trois ans, cette création de poste a coïncidé avec la volonté affichée du Comex d’être actif sur ces transformations, à l’externe et à l’interne. Nos métiers sont très régulés et ces transformations doivent être impulsées par le top management pour être pérennes.
La feuille de route a pour principal objectif d’automatiser, d’analyser et de valoriser les données dont nous disposons sur les supports digitaux, qui constituent des outils transversaux.
L’enjeu pour Mazars est double : il s’agit d’une part de faciliter la vie des équipes de consultants et de commissaires aux comptes, et d’autre part de moderniser nos processus et d’accroître notre agilité auprès des clients. En résumé, nous nous sommes posés la question de savoir comment les technologies peuvent réinventer des prestations intellectuelles…
Quelles ont été les applications concrètes de votre feuille de route ?
Nous avons lancé un portefeuille de projets. Des projets d’ambition modeste tout d’abord pour aller crescendo, afin de maîtriser le cycle de l’innovation. Les modalités consistent à amorcer des cycles très courts, puis de réitérer pour gagner en compétences très vite. Nous avons par exemple travaillé sur la RPA (Robotic Process Automation). L’enjeu est que l’utilisateur en interne en tire le meilleur, via une formation et un accompagnement. Puis, nous avons créé un Centre d’excellence sur le RPA. Des consultants du groupe Mazars accompagnent aujourd’hui les clients pour la formation et le développement. En 18 mois, nous sommes passés de 0 à la création d’une nouvelle expertise de conseil auprès des équipes métiers de nos clients.
Aujourd’hui, ce que nous tentons de faire à l’externe, nous le réalisons en interne. Depuis trois ans, nous avons créé un réseau d’ambassadeurs de l’innovation. Ce réseau d’abord informel s’est mis à l’écoute des nouvelles tendances technologiques de terrain, avec pour mission de les faire remonter. L’objectif est de définir et d’implémenter la stratégie en lien avec les différents projets, en passant d’un relais local au national, et inversement.
Qu’est-ce-qui caractérise ce réseau d’ambassadeurs de l’innovation ?
Il n’y existe aucun lien hiérarchique. Chacun peut se mobiliser – juniors, seniors… Les relais sont très rapides d’un sens à l’autre. Nous avons lancé ce réseau voici deux ans et demi, et nous sommes nous-mêmes étonnés de constater la diversité et la qualité des informations qui sont remontées ! L’innovation est générée par la technologie, mais elle est portée avant tout par une culture volontariste, à l’échelle de chacun. Le réseau est parti de 10 personnes et nous sommes 150 aujourd’hui.
Nous avons aussi mis à disposition une boîte à outils pour fédérer et mobiliser. Nous constatons au bout de 18 mois la création de véritables « hubs » autour de quelques personnes. D’autres sont sorties du réseau librement.
Quelles sont les retombées aujourd’hui ?
Ce réseau a pris sa pleine dimension avec notre événement « United Innovators », qui a rassemblé et permis à cette communauté de se rencontrer physiquement. Tous sont interconnectés, animent et coordonnent des équipes autonomes dédiées au numérique. L’objectif consiste d’une part à tester une nouvelle technologie – par exemple une nouvelle méthode pour réaliser des feuilles de paie –, et d’autre part, à appliquer le process testé auprès de partenaires, en bénéficiant d’un ensemble de feedback. Une fois le processus validé, l’équipe industrialise à l’échelle de Mazars. Car le vrai sujet est l’industrialisation de nouveaux processus à grande échelle.
Pour cela, Mazars a lancé des campagnes de formation à l’échelle du groupe sur des plateformes numériques sur la blockchain, le RPA, l’analyse de données, le design thinking… Le contenu est défini en interne et à l’externe, auprès de nos clients, à travers des cycles de mini-conférences digitales, rediffusées via des podcasts sur Internet et LinkedIn. Les conférences sont également retransmises en direct dans toute la France, avec un accès en ligne. Pour cela, nous avons travaillé en lien avec la DRH, la formation, la communication interne et la DSI du groupe. Le processus est le même : nous précédons par itération, et nous allons crescendo sur les contenus, avec des formations initiales généralistes, puis beaucoup plus techniques, centrées sur les métiers de Mazars. Aujourd’hui, la tendance s’est inversée : les collaborateurs deviennent forces de proposition et contribuent aux différents apports et contenus.
Les (R)ÉVOLUTIONS NUMÉRIQUES en question
Débats, ateliers, expositions et rencontres… Du 25 au 28 mars prochain, l’édition 2020 du Festival de Géopolitique de Grenoble sera placée sous le signe des (R)évolutions numériques et de leurs impacts sociétaux, quarante ans après l’émergence des technologies de l’information et de la communication (TIC). Au présent comme au futur, le Festival de géopolitique tentera de dégager les grandes tendances et les éléments du débat autour des mutations provoquées au cœur de nos sociétés par le numérique.
Le festival se déroulera en cinq lieux : Grenoble Ecole de Management ; La Cité Scolaire Internationale ; Le Café des Arts ; La Maison de l'international; La librairie Decitre et à Sciences Po Grenoble.
Organisé par Grenoble Ecole de Management, l’événement est gratuit sur inscription.