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L’impact du coronavirus sur l’économie mondiale

Published on
16 March 2020

La Chine puis maintenant l’ensemble du monde tente de lutter contre la propagation du Covid-19. Nombreux sont les pays à déclarer l’état d’urgence et à mettre leur économie à l’arrêt. A ce jour, quelles sont les principales retombées de l’épidémie, au regard du poids déterminant de la Chine dans les échanges internationaux ? Retrouvez l’analyse de Jovana STANISLJEVIC, professeur de commerce international à Grenoble Ecole de Management.

Entretien avec Jovana Stanisljevic, professeure de commerce international au département Hommes, Organisations et Société à Grenoble École de Management.

Quel est l’impact du coronavirus sur l’économie mondiale, comparé à l’épidémie de SRAS, en 2003 ?

La situation s’est profondément modifiée, depuis 2003. Au lendemain de l’épidémie de SRAS, la Chine représentait à peine 4 % du PIB mondial et se classait à la sixième place en matière économique. Aujourd’hui, elle génère plus de 16 % du PIB mondial, ce qui fait d’elle la deuxième puissance économique mondiale, juste derrière les États-Unis. La Chine représente par ailleurs depuis des décennies la principale source de croissance mondiale, avec une contribution supérieure à 39 % pour la seule année 2019. À ce stade, l'OCDE estime que la croissance du PIB chinois tomberait en dessous de 5% cette année. De plus, la situation est devenue une crise sanitaire mondiale, l'épidémie se propageant rapidement à travers le monde. L'impact sur l'économie mondiale devient plus apparent, car les estimations de la croissance mondiale pour cette année sont abaissées à 2,4% - contre 2,9%, comme prévu initialement pour 2020.

La progression du Covid-19 touche de nombreux secteurs industriels et accroît les problèmes d’approvisionnement dans le monde…

La mondialisation a propulsé la Chine au cœur de chaînes logistiques extrêmement complexes. De fait, les entreprises du monde entier sont tributaires des approvisionnements chinois, ce qui explique pourquoi les fermetures d’usines dans les provinces touchées par le virus ont affecté un si grand nombre d’industries.

Le constructeur automobile sud-coréen Hyundai a été la première entreprise non chinoise à annoncer l’arrêt de la production dans les usines situées sur son propre territoire, en raison d’une pénurie de pièces. En Europe et aux États-Unis, des constructeurs automobiles ont indiqué qu’ils n’allaient pas tarder à manquer de composants.

La Chine est de fait le premier exportateur de composants électroniques, avec près de 30 % du total mondial. L’interruption des livraisons a des conséquences préjudiciables pour les pays dont la production dépend largement des composants électroniques importés de Chine. En 2019, par exemple, le Japon a importé pour plus de 45 milliards de dollars de composants électriques et électroniques chinois.

La Chine est également le premier importateur mondial de matières premières, soulignez-vous.

La Chine a représenté 80% de la croissance de la demande mondiale de pétrole en 2019. Naturellement, la forte contraction de l'activité industrielle chinoise, accompagnée de réductions drastiques des transports internationaux et nationaux dans le monde, a provoqué des turbulences sur les marchés du pétrole et de l'énergie. En conséquence, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) a annoncé que la demande mondiale de pétrole chuterait pour la première fois depuis 2009.
Le ralentissement de l’activité industrielle chinoise a aussi durement touché le marché du cuivre, car le pays compte pour la moitié de la demande mondiale en la matière. Ce métal est utilisé dans un grand nombre d’industries, notamment celles de l’automobile, des téléphones portables et des appareils électroménagers.

La diminution des transactions dans ces différents secteurs a entraîné le report ou l’annulation pure et simple de nombreux marchés prévus auprès de fournisseurs d’Amérique latine et d’Afrique pour cause d’événements de « force majeure », à savoir indépendants de la volonté des entreprises chinoises.

Dans quelle mesure les secteurs du luxe, du voyage et du tourisme sont-ils aujourd’hui impactés par la chute de la demande chinoise ?

L'industrie du transport aérien fait face à un coup dur et devrait subir des pertes qui pourraient aller de 63 à 113 milliards de dollars cette année, en raison de la plus forte baisse du trafic aérien depuis 11 ans. Les touristes chinois sont les plus nombreux à voyager dans le monde. Ils privilégient les pays d’Asie-Pacifique et se rendent principalement à Hongkong, à Macao, et en Thaïlande. Ce dernier pays a accueilli en 2019 près de 10 millions de touristes chinois, soit 30 % de l’ensemble de ses visiteurs. Depuis le début de l’épidémie, les autorités thaïlandaises estiment qu’environ 1,3 million de séjours ont été annulés pour les seuls mois de février et mars. Mais l'impact dans le secteur du tourisme va bien au-delà, alors que l'épidémie se propage à l'échelle mondiale. Le World Travel & Tourism Council (WTTC) estime que 50 millions d'emplois dans l'industrie pourraient être menacés, dont environ 30 millions en Asie, sept millions en Europe, cinq millions dans les Amériques et le reste sur d'autres continents.

Les touristes chinois ont un fort engouement pour le secteur du luxe. Depuis le début des années 2000, les ressortissants du pays se sont massivement tournés vers les produits haut de gamme, avec pas moins de 33 % de part de marché en 2018 et des prévisions atteignant 46 % en 2025. Le secteur est aujourd’hui confronté à son plus grand défi depuis 2008, puisque les principaux groupes de luxe tels que Kerring, LVMH et Tiffany sont de plus en plus tributaires de la croissance de la demande des clients chinois.

Comment la situation devrait-t-elle évoluer ?

Cela dépend vraiment de l'évolution de l'épidémie. Nous pouvons voir qu'il y a des signaux positifs en provenance de Chine où la contagion montre enfin des signes de ralentissement. Le travail commence à reprendre alors en Chine, et l’activité industrielle sera relancée dans le pays, comme dans les entreprises du monde entier qui en dépendent. Le retard enregistré en matière de production devrait dès lors se résorber, grâce aux mesures adoptées par les autorités.
En revanche, si le virus continue de se propager en Chine, en Asie orientale, Europe et dans d’autres régions du monde, le climat d’incertitude et les perturbations iront croissant. Les déplacements continueront d’être entravés et les chaînes logistiques qui sont temporairement perturbées, seront interrompues, entrainant des fermetures d’usines, en Chine et dans d’autres pays.

Certaines multinationales pourraient envisager de revoir leurs stratégies d’approvisionnement et se mettre en quête de substituts au marché chinois, même si l’on sait d’expérience que cela n’a rien d’évident.

*Source : Les Echos du 4 mars 2020.

Article rédigé le 2 mars 2020 : Le coronavirus pèse de plus en plus sur l'économie mondiale, The Conversation

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