
Et si les femmes étaient la clé du changement ? Dans un contexte d’hyper compétition, accentuée par les technologiques digitales, de nouveaux modèles affleurent dans les entreprises. Comment les femmes accompagnent-elles ces mutations ? Existe-t-il un management sexué ? FERE, la chaire « Femmes et Renouveau Economique », fondée par Grenoble Ecole de Management, valorise 40 ans de recherche méconnue sur les femmes et l’innovation.
« Aujourd’hui, les entreprises sont toutes engagées dans des programmes de transformation : organisation, digital, culture client/service… En jouant le jeu d’un temps d’échange entre pairs, 25 femmes managers ont pris du recul par rapport à leur pratique », témoignent Séverine Le Loarne et Benoît Meyronin, enseignants-chercheurs à Grenoble Ecole de Management, et co-instigateurs de cette journée d’étude inédite, sur la transformation de la relation client, le 25 novembre dernier, à Paris, avec à la clé, la publication d’un livre blanc, en septembre 2017.
Marie-Hélène Chavigny, l’une d’entre elles, est directrice des ressources humaines de Carrefour hypermarchés France (60 000 collaborateurs et 215 points de vente). « La transformation de la relation client sera le principal facteur différenciant des prochaines années, eu égard aux acteurs de l’Internet.
Nos atouts ? La qualité du service, le conseil et la relation de proximité. A ce titre, je reste convaincue que l’implication d’un DRH est essentielle au changement : pour avoir des clients heureux, il faut avoir des collaborateurs heureux. Mon rôle est de les préparer à cette transformation. Et, au-delà, la femme a-t-elle une vision spécifique de la transformation ? Dans tous les cas, son implication dans ces processus sera une première étape vers plus d’égalité au sein des comités de direction », relève-t-elle.
Etre le lieu de référence en Europe
Mesurer concrètement la contribution des femmes managers dans la transformation est l’ambition de la chaire FERE, cofondée en février 2016 par Grenoble Ecole de Management et Les Pionnières – le premier réseau d’incubateurs féminins francophones. « FERE souhaite devenir le lieu de référence en Europe, d’ici 10 ans, qui permettra de décrypter et produire les modèles de maintien des richesses économiques et sociales du territoire par les femmes entrepreneurs et intrapreneures.
Son action vise à soutenir les initiatives entrepreneuriales des femmes, en produisant de la connaissance et des outils, qui favorisent le renouveau économique », note Séverine Le Loarne, titulaire de la chaire. FERE est hébergée par la Fondation "GEM, School for Business and for Society", placée sous l’égide de la Fondation de France.
Vulgariser 40 ans de recherche méconnue
FERE s’emploie à vulgariser 40 ans de recherche méconnue sur le sujet de l’entrepreneuriat et de l’innovation par les femmes. FERE organise des cycles de conférences pour changer les regards sur les pratiques en vigueur en entreprises, comme récemment avec le club HP women at work, anime des clubs, via un travail sur la diversité en entreprise, et produit des études à la demande, ou d’intérêt général, via son affiliation à La Fondation de France.
« BNP Paribas nous a demandé de vérifier l’existence ou non de stéréotypes – et donc de discrimination –, dans son processus de traitement de projets à financer, portés par des femmes, détaille Séverine Le Loarne. Récemment, une autre entreprise a commandité une étude inédite pour mesurer l’impact humain (sur les enfants et la famille, notamment) mais aussi économique et sociétal du travail des certaines femmes, sous statut autoentrepreneur. Car, l’ambition de FERE est bien de contribuer à régler des problématiques de société par les femmes, pour les femmes ».
« En situation de compétition, c’est toujours l’idée du garçon qui prime »
FERE construit aussi des outils de mesure d’impact sur la parité filles/garçon, en entamant une action dans les collèges et les lycées, et fait appel à des partenaires entreprise pour soutenir son action, via La Fondation de France.
« Devant les pays scandinaves, la France, avec les Etats-Unis, est l’une des nations les plus avancées en matière de parité. Et pourtant, vers 21 ans, en situation de compétition, dans le cadre d’un concours d’innovation par exemple, les études continuent de pointer l’effet de leadership (ou « effet coq ») du masculin sur le féminin. En concurrence, c’est toujours l’idée du garçon qui prime, simplement parce que les filles s’effacent par manque de confiance et d’estime de soi. Et l’on sait que ce n’est pas un problème d’agilité ou de créativité, mais un problème de posture. C’est pourquoi, GEM souhaite agir, en amont, auprès des collégiens et des lycéens, en développant une application smartphone à partir de laquelle filles et garçons dessineront le métier dont ils rêvent. A partir de ce recueil de données, l’idée est de constituer une base pour la recherche, et d’aider ces jeunes à rompre avec les stéréotypes, avec la contribution d’anciens diplômés de GEM, qui deviendraient de véritables conseillers en orientation », conclut Séverine Le Loarne.
Existe-t-il un entrepreneuriat féminin et masculin ?
Oui, incontestablement !
« Car, être entrepreneur, c’est bien, mais être contributeur à part entière de l’économie, c’est beaucoup mieux pour asseoir son business, et accélérer les changements de modèles. Les femmes, compte tenu de leur double implication familiale/professionnelle, ont de grandes difficultés à penser leur projet, asseoir une ligne directrice et à tenir un objectif. Elles sont trop souvent dans le « faire », le labeur. Organiser son travail, sa carrière… oblige à une prise de distance. Un homme n’a pas cette contrainte, car notre modèle de société fait qu’il est « soutenu ». Toutefois, de plus en plus, les « papa-preneurs », une fois seuls, se trouvent confrontés aux mêmes problématiques que les femmes entrepreneurs… en couple. De nombreuses recherches existent à ce sujet. Mark Smith, doyen du corps professoral à GEM, a réalisé une étude sur l’égalité hommes/femmes dans des contextes ambitieux », relève Séverine Le Loarne.